La reprise d'une société en redressement judiciaire est une opportunité pour tout repreneur de sauver une entreprise en difficulté tout en bénéficiant de conditions plus avantageuses que la même cession réalisée in bonis, c’est à dire hors le cadre du Tribunal de commerce.
Toutefois, il convient d’être vigilant : derrière la reprise d'une société à un prix attractif peut se cacher d’autres coûts à ne pas négliger.
1. Contexte
La reprise d’une entreprise faisant l’objet d’une procédure de redressement judiciaire est qualifiée par le Code de commerce de « plan de cession ».
Le contexte procédural est le suivant :
La société en difficulté n’est pas en mesure de présenter un plan d’apurement de son passif (appelé “plan de redressement”), et ce pour différentes raisons : par exemple, parce que la société n’a plus la trésorerie suffisante pour payer ses charges courantes, parce que ses dettes sont trop importantes par rapport au chiffre d’affaires dégagé ou encore parce que le marché n’est pas/plus porteur.
La recherche d’un repreneur sera ainsi être rendu nécessaire afin de préserver l’activité de la société en difficulté.
2. La procédure de dépôt d’une offre de reprise
Dès l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, les tiers, y compris les salariés, peuvent présenter des offres d'achat pour tout ou partie de l'entreprise (c’est à dire pour l’ensemble de ses activités ou bien uniquement pour une ou plusieurs branche(s) d’activité).
Toutefois, dans la majeure partie des cas, c’est l’Administrateur judiciaire qui procédera à un appel d’offres en déposant une annonce auprès de sites spécialisés afin de recueillir des offres de reprise (site official des Administrateurs et Mandataires judiciaires, journaux économiques, réseaux sociaux, etc.).
L’appel d’offres est volontairement très succinct et ne comporte que très peu d’informations sur la société en difficulté : la nature de l'activité, le lieu de son siège social et de son activité, le chiffre d’affaires et le nombre de salariés. Le nom de la société n’est pas précisé.
L’annonce précisera également la date limite de dépôt des offres, laquelle est fixée par l’Administrateur judiciaire.
Le délai est bien souvent jugé trop court pour les candidats repreneurs, mais cela dépend en pratique de la situation financière de la société.
Les candidats à la reprise doivent donc être particulièrement réactifs pour analyser les éléments à leur disposition, apprécier les enjeux juridiques et financiers d’une telle reprise et déterminer le périmètre de leur reprise.
Les principales étapes de la procédure sont les suivantes :
- Suite à l’appel d’offres, un cahier des charges sera établi par l’Administrateur judiciaire, lequel comprendra les informations essentielles de l’entreprise détenues par l’administrateur judiciaire (éléments financiers, administratifs, commerciaux).
- Une data room est ensuite constituée par l’Administrateur judiciaire avec la mise à disposition des informations essentielles sur l’entreprise nécessaires pour apprécier l’opportunité de la reprise. La data room est une base documentaire en ligne permettant d’accéder aux informations à distance.
- Les éléments seront accessibles au candidat repreneur après signature d’un engagement de confidentialité.
- Les offres de reprise doivent être soumises à l'Administrateur judiciaire dans le délai requis, à défaut d'irrecevabilité, qui les examinera en fonction de leur sérieux et de leur capacité à assurer la continuité de l'activité et le paiement des créanciers.
- L’offre déposée devra être soutenue lors d’une audience devant le Tribunal de commerce : l’audience d’examen des offres. Tous les candidats repreneurs ayant déposé une offre seront convoqués à cette audience afin que chacun puisse présenter son offre.
- Il est à noter que l’offre pourra être améliorée au plus tard deux jours ouvrés avant la date fixée pour l’audience d’examen de l’offre par le Tribunal. Attention, l'offre ne pourra pas être retirée ou modifiée sauf dans un sens plus favorable aux objectifs du plan de cession, de sorte que vous demeurez lié à votre offre. Le conseil d'un avocat pour la rédaction de l’offre peut s'avérer particulièrement judicieux (insertion de conditions suspensives dans l'offre afin de vous laisser la possibilité de vous rétracter, conditions qui devront être levées au plus tard au jour de l'audience).
- Jugement arrêtant le plan de cession au profit du candidat repreneur dont l'offre aura été jugée la plus satisfaisante. Cette décision sera opposable à tous les créanciers et cocontractants de l'entreprise.
3. Contenu de l’offre
Le candidat repreneur devra préciser le périmètre de son offre de reprise, à savoir :
- Les éléments corporels qu’il souhaite reprendre (matériel, véhicules, agencement, etc.) ;
- Les éléments incorporels qu’il souhaite reprendre (marques, site internet, noms de domaine, etc.) ;
- la reprise des stocks ou non ;
- Les contrats en cours (contrats conclus par la société en difficulté avec ses prestataires habituels - baux, contrats de crédit-bail, location financière, fourniture de biens ou de services, etc.) qu’il souhaite poursuivre ;
- L’indication du nombre de salariés repris au sein des catégories professionnelles composant les effectifs de la société.
Attention, les éléments qui ne seront pas expressément mentionnés par le candidat repreneur dans son offre seront exclus du périmètre de reprise.
L’offre de reprise devra également détailler le projet de reprise ainsi que les moyens permettant le financement de l’activité reprise, ainsi que les garanties offertes.
Un prévisionnel d’activité et de trésorerie devra être annexé à l'offre.
A noter :
Ces offres sont publiques dans la mesure où elles sont déposées au Greffe du Tribunal de commerce par l’Administrateur judiciaire dès leur réception.
En pratique, vous pouvez donc, en tant que candidat repreneur, connaître le nombre d’offres concurrentes, le périmètre des offres de reprise des autres concurrents ainsi que le prix de cession offert par ces derniers.
4. Audience d'examen des offres et critères retenus par le Tribunal de commerce
L’offre de reprise définitive sera appréciée par le Tribunal au regard des trois critères cumulatifs suivants prévus par l’article L. 642-1 alinéa 1er du code de Commerce :
- Maintien d’activités susceptibles d’exploitation autonome ;
- Maintien de tout ou partie des emplois ;
- Apurement du passif.
Le Tribunal de commerce va ainsi examiner attentivement la solidité financière de la proposition, son intérêt sur le plan social en termes d'emploi, et les perspectives économiques du projet de reprise.
Le prix de cession constitue souvent un critère décisif pour apprécier le caractère sérieux de l'offre, mais il ne suffit pas de proposer le meilleur prix pour être choisi par le Tribunal. Il faut également que ce dernier soit convaincu par le projet de reprise et sa solidité financière.
Ainsi, il conviendra au candidat repreneur d'anticiper l'ensemble des coûts résultant de la reprise de la société en difficulté, notamment le coût de la relance de l’activité et le financement du besoin en fonds de roulement.
Dans la mesure où vous ne reprenez pas la trésorerie de la société, il vous appartiendra d'avoir la trésorerie nécessaire pour relancer l’activité et son besoin en fonds de roulement.
Le Tribunal doit s'assurer que le candidat repreneur a la capacité financière d'assumer l'ensemble de ces coûts.
5. A retenir
Les avantages d'une telle reprise :
- Un prix de cession attractif.
- La reprise d’une activité déjà existante, de son histoire, de son expérience, de sa base client et de sa renommée.
- Absence de reprise du passif de la société.
- "Reprise sur mesure" : Vous choisissez le nombre de salariés que vous souhaitez reprendre (on raisonne en terme de catégories professionnelles - les salaries non repris seront licenciés par la procédure collective de la société en difficulté), les contrats que vous souhaitez voir continuer ou non (contrat de bail, etc.).
Toutefois, attention :
- Bien analyser en amont les risques associés à la reprise de la société (question du transfert de la charge des sûretés notamment : lorsqu’un bien, mobilier ou immobilier est repris par le cessionnaire, celui-ci est tenu de reprendre le tableau d’amortissement du crédit ayant servi à financer le bien, lorsque ce financement est garanti par une sûreté grevant le bien).
- Garder à l’esprit que vous vous engagez à reprendre les éléments d’actifs en l’état.
- Absence de reprise de la trésorerie de la société.
- Le vrai coût financier d’une opération de reprise n’est pas uniquement le prix de cession que vous proposez, mais le prix de cession offert + le coût de la relance de l’activité (financement du besoin en fonds de roulement de l’entreprise) + le coût du transfert de la charge des sûretés s’il existe un tel passif.
En conclusion
La reprise d'une société en redressement judiciaire peut en effet s’avérer être une opportunité de croissance externe particulièrement intéressante pour tout repreneur réactif.
Toutefois, il s'agit d'une procédure complexe nécessitant l'analyse approfondie d'éléments juridiques et financiers, la détermination du périmètre de la reprise et l'évaluation rigoureuse des perspectives de redressement de l'entreprise, et le tout dans des délais restreints.
SOSTENE AVOCAT vous accompagne dans toutes les étapes de la procédure :
- Analyse du dossier et des risques juridiques et financiers.
- Entretien avec l'Administrateur judiciaire.
- Détermination du périmètre de l'offre.
- Rédaction de l’offre de reprise.
- Dépôt de l’offre.
- Soutien de l’offre devant le Tribunal de commerce.