La reprise d'une société en liquidation judiciaire : Comment reprendre le fonds de commerce ou les actifs d’une société en liquidation judiciaire ?
La reprise des actifs, dont le fonds de commerce, d’une société faisant l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, peut s'effectuer selon les deux modalités suivantes :
- La vente de gré à gré : Il s’agit de la procédure d’appel d’offres, laquelle est initiée par le Liquidateur. Le candidat repreneur devra formuler une offre de reprise et être retenue par le Juge Commissaire.
- La vente aux enchères : Lorsqu’aucune offre n'est retenue ou n’a été formulée, le Juge Commissaire peut ordonner la vente aux enchères.
Ces deux procédures sont distinctes et encadrées par des règles spécifiques prévues par le Code de commerce (article L. 642-19 du Code de commerce). Ces deux procédures peuvent coexister : un actif peut par exemple être vendu aux enchères et un autre de gré à gré.
Nous évoquerons ici uniquement la procédure de gré à gré.
La procédure se distingue de la reprise d'une société en redressement judiciaire (plan de cession). Pour en savoir plus :
Qui est autorisé à déposer une offre de reprise du fonds de commerce ou les actifs d'une société en liquidation judiciaire ?
1. Contexte procédural
La société est en difficulté et a fait l’objet de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire.
La société n’a donc plus d’activité depuis l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, sauf le cas particulier d’une poursuite d’activité autorisée par le Tribunal.
Dans le cadre de la liquidation judiciaire, le Liquidateur, sous l’égide du Juge Commissaire, va céder les actifs soit de façon globale (cession du fonds de commerce), soit de façon isolée (actif par actif : le bail commercial, un logiciel développé par la société, des machines, etc.) à un ou des candidats différents.
Les salariés de la société faisant l’objet de la liquidation judiciaire sont ou vont être licenciés pour motif économique par le Liquidateur dans les quinze jours suivants l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, sauf le cas de la poursuite d’activité.
2. Appel d’offre et dépôt de l’offre
Il appartient au Liquidateur de procéder au lancement d’un appel d’offres en déposant une annonce auprès de sites spécialisés afin de recueillir des offres de reprise pour le fonds de commerce à vendre ou pour certains de ses actifs (site official des Administrateurs et Mandataires judiciaires, journaux économiques, réseaux sociaux, etc.).
L’appel d’offres est volontairement très succinct et ne comporte que très peu d’informations sur la société en difficulté : la nature de l'activité, le lieu de son siège social et de son activité, le chiffre d’affaires.
Une date limite de dépôt des offres est fixée par le Juge Commissaire et l’offre de reprise doit être adressée dans le délai imparti, sous peine de nullité de l’offre.
Les principales étapes de la procédure sont les suivantes :
- Suite à l’appel d’offres du Liquidateur, un cahier des charges sera établi par ce dernier, lequel comprendra les informations essentielles de l’entreprise qu’il détient (éléments financiers, administratifs, commerciaux).
- Une data room est ensuite constituée par le Liquidateur avec la mise à disposition des informations essentielles sur l’entreprise nécessaires pour apprécier l’opportunité de la reprise. La data room est une base documentaire en ligne permettant d’accéder aux informations à distance.
- Les éléments seront accessibles au candidat repreneur après signature d’un engagement de confidentialité.
- Les offres de reprise seront remises directement sous plis cachetés dans le délai requis (généralement à l’huissier audiencier près du Tribunal de commerce compétent).
En pratique, cela signifie que contrairement à la procédure de reprise en redressement judiciaire (plan de cession), vous ne saurez pas s’il existe des offres concurrentes et vous n’aurez pas accès aux contenus de ces offres concurrentes, ce qui parfois peut être déterminant pour se positionner.
En effet, plus de candidats repreneurs se montrent intéressés, plus le prix de cession sera élevé.
- L’offre déposée devra être soutenue lors d’une audience devant le Tribunal de commerce : l’audience d’ouverture des plis.
C’est au cours de cette audience que le Juge Commissaire ouvrira les plis contenant les offres reçues. Le Liquidateur découvrira également le contenu de ces offres au cours de cette même audience.
Il est à noter qu’en principe le Code de commerce ne prévoit pas de phase améliorative contrairement à la procédure de reprise d’une société en redressement judiciaire (plan de cession). Toutefois, certains Tribunaux permettent par exception aux candidats d’améliorer leur offre lors de l’audience d’ouverture, bien que cette pratique soit assez décriée par la doctrine.
- Ordonnance du Juge Commissaire autorisant la cession du fonds de commerce ou de l’actif : Apres examen des offres, le Juge Commissaire autorisera la cession en fonction des garanties offertes par le repreneur (garanties sur la solvabilité du repreneur) et du prix de cession offert, lequel permettra le remboursement des créanciers de la société en liquidation judiciaire.
3. Contenu de l’offre
Le candidat repreneur devra préciser le périmètre de son offre de reprise : concrètement quels sont les éléments d’actifs que vous souhaitez reprendre (le fonds de commerce ou bien certains actifs : la marque, les stocks, une machine, etc.).
Dans le cadre d’une vente de gré à gré, l’offre de reprise doit, a minima, contenir les mentions suivantes :
- L’identité du repreneur (avec un justificatif d’identité pour une personne physique ou un K-bis pour les personnes morales).
- La liste des actifs que le candidat repreneur entend reprendre (fonds de commerce, logiciel, machines, etc.).
- Le prix proposé avec, le cas échéant, la ventilation entre les éléments corporels et incorporels, les modalités de paiement.
- La justification de la solvabilité à hauteur du prix et les garanties offertes par l'acquéreur. Ces éléments permettent au tribunal d'évaluer le sérieux et la viabilité des offres.
Aucun prévisionnel d’activité et de trésorerie n’est à fournir dans la mesure où la société est en liquidation judiciaire et n’a plus d’activité.
Il conviendra d’expliquer néanmoins les synergies existantes entre la société en liquidation et l’activité du repreneur et le projet de reprise.
N’est pas repris, ici, ni le passif de la société en liquidation judiciaire, ni les salariés, ces derniers étant licenciés par le Liquidateur (Cf. § 1).
4. Points de vigilance : Quels sont les risques pour le repreneur ?
Il convient d’être vigilant sur les points suivants :
- Bail commercial :
Dans le cadre d'une liquidation judiciaire, la cession d'un bail commercial, qu'elle soit isolée ou incluse dans la cession du fonds de commerce, est soumise aux conditions prévues par le contrat de bail.
- Clause de solidarité inversée dans le bail commercial :
Ces clauses prévoient que le cessionnaire (le repreneur) est garant du cédant (l’entreprise en liquidation judiciaire) au titre des arriérés de loyers impayés.
Concrètement, la clause de solidarité inversée impose au cessionnaire de garantir les dettes locatives du cédant.
Il est ainsi primordial de se renseigner sur l’existence ou non d’un passif à l’encontre du bailleur dans le cadre de la reprise du bail commercial dans le cadre d’une liquidation judiciaire ou du fonds de commerce.
Il est précisé que dans le cadre de la reprise d’une société en redressement judiciaire (plan de cession), cette clause est réputée non écrite en vertu de l'article L. 642-7, alinéa 3 du Code de commerce. Cette neutralisation vise à faciliter la reprise d'entreprises en difficulté en allégeant les charges pesant sur le repreneur.
- Clause d’agrément :
Ces clauses permettent au bailleur de vérifier la moralité, la solvabilité et les compétences du cessionnaire avant d'accorder son autorisation à la cession de son bail. Cette clause est reconnue valable par la jurisprudence car elle ne constitue pas une interdiction absolue pour le locataire de céder et peut être appliquée dans le cadre d’une cession de fonds de commerce en liquidation judiciaire.
Cela inclut donc l'obligation pour le liquidateur judiciaire de solliciter l'agrément du bailleur avant de procéder à la cession. À défaut, la cession pourrait être déclarée inopposable au bailleur. Ce qui n’est pas le cas dans le cadre de la cession du bail commercial dans le cadre de la reprise d’une société en redressement judiciaire (plan de cession).
Toutefois, le refus d'agrément doit être motivé par un motif légitime, et un refus abusif peut être contesté devant les juridictions compétentes.
- Priorité à l’embauche des salariés licenciés :
La priorité de réembauchage est un droit reconnu aux salariés licenciés pour motif économique. Ce droit est prévu par l'article L. 1233-45 du Code du travail, qui stipule que le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauchage pendant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat, à condition qu'il en fasse la demande dans ce délai.
En cas de liquidation judiciaire, la priorité de réembauchage s'applique également, même si l'entreprise est reprise par un autre employeur dans le cadre d'une cession. La jurisprudence a confirmé que ce droit s'exerce à l'égard de l'entreprise, peu importe que la demande ait été faite auprès de l'ancien employeur ou du repreneur.
5. A retenir :
- Le repreneur ne reprend aucune dette, ni aucun salarié de la société en Liquidation judiciaire. Aucun contrat n’est automatiquement transféré au repreneur contrairement à ce qui est le cas en plan de cession (reprise d'une société en redressement judiciaire).
Dans le cadre de la reprise d’un fonds de commerce en liquidation judiciaire, lequel intervient après un arrêt total de l’activité, vous reprenez une activité qu’il faut entièrement relancer avec vos fonds personnels ou celle de votre société.
- Le Juge Commissaire se détermine généralement en faveur du plus offrant (celui qui offre le meilleur prix), après vérification de sa solvabilité, c'est à dire de son aptitude à payer le prix proposé.
En effet, contrairement au plan de cession (reprise d'une société en redressement judiciaire), qui vise à maintenir une activité économique et à préserver l'emploi, la cession du fonds de commerce ou d’actifs isolés en liquidation judiciaire a pour unique objectif le désintéressement des créanciers.
- Être vigilant à l’existence d’une clause de solidarité inversée dans le bail commercial : Dans l'hypothèse d'une dette au bailleur, un coût supplémentaire conséquent pourrait s’ajouter au prix de cession.
- Le Juge Commissaire n’est pas lié par les offres reçues et peut refuser une offre s’il estime le prix offert trop faible.
- Cette cession est réalisée « en l'état », ce qui signifie que l'acquéreur reprend les éléments du fonds tels qu'ils se trouvent au moment de la vente, sans possibilité de recours ultérieur pour contester l'état des biens ou les conditions de la cession.
- Attention, l’offre déposée est irrévocable.
- Outre l'Ordonnance du Juge Commissaire autorisant la cession, un acte de cession devra être régularisé afin de transférer la propriété des actifs cédés.
SOSTENE AVOCAT vous accompagne dans toutes les étapes de la procédure :
- Analyse du dossier et des risques juridiques et financiers.
- Entretien avec le Liquidateur.
- Détermination du périmètre de l'offre.
- Rédaction de l’offre de reprise.
- Dépôt de l’offre.
- Soutien de l’offre devant le Tribunal de commerce (audience).
Ne pas confondre la reprise du fonds de commerce d'une société en liquidation judiciaire ou certains de ses actifs avec la reprise d'une société en redressement judiciaire (plan de cession).
Pour en savoir plus :